Cette page reprend principalement une publication du Bucodes-SurdiFrance, dans sa revue "6 Millions de Malentendants" d'octobre 2014.
Article de M. et Mme Puy pharmaciens à Gignac (près de Montpellier) qui ont bien voulu mettre à jour les données dont disposaient le Bucodes. (Liste établie avec MC Subtil).
La plupart des médicaments possèdent, outre leurs effets bénéfiques, un certain nombre d’effets indésirables, bénins ou graves, réversibles (l'effet disparaît à l’arrêt du traitement) ou irréversibles. L’audition, en particulier, peut être affectée par la prise de médicaments : apparition d’acouphènes, diminution de l’audition temporaire ou définitive.
Lorsque l’on est déjà atteint d’une perte auditive, quelle qu’elle soit, il convient d’être vigilant à tout ce qui pourrait l’aggraver.
Certains médicaments présentent une toxicité pour l’oreille. Ils peuvent provoquer une altération des structures de l’oreille interne (atteinte cochléaire ou vestibulaire) ou du nerf auditif. Concrètement, il se produit des acouphènes (sifflements, bourdonnements dans l’oreille), une baisse de l’audition, et/ou des vertiges. Ces trois symptômes sont les plus fréquents en cas d’ototoxicité. Il existe des médicaments spécifiquement toxiques pour le vestibule, qui provoquent des étourdissements, des vertiges, des nausées. D’autres altèrent la cochlée, ils produisent des acouphènes et une perte d’audition. D’autres encore combinent ces deux types d’effets.
La toxicité d’un médicament dépend de plusieurs facteurs
des facteurs individuels : la préexistence d’une surdité de perception qui rend plus vulnérable, une pathologie associée telle une insuffisance rénale, l’âge élevé du patient, une sensibilité particulière au médicament.
des facteurs liés au médicament : la posologie, le mode d’administration, la durée du traitement, l’association à d’autres médicaments ototoxiques.
Un médicament présentera d’autant plus de risque d’être ototoxique qu’il est pris à hautes doses, pour une durée prolongée, par voie intraveineuse, ou par un patient insuffisant rénal.
Les différentes classes de médicaments ototoxiques
sur le marché aujourd’hui :
Les anti-inflammatoires :
Salicylés et autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ces produits ont des effets ototoxiques (baisse auditive ou acouphènes) quand ils sont pris à des doses importantes et dans le cas d’un traitement au long cours. L’atteinte est presque toujours réversible dans les jours suivant l’arrêt du traitement. Il existe de grandes variations individuelles concernant la sensibilité des patients aux salicylés et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Les salicylés:
Il s’agit principalement de l’acide acétylsalicylique et de ses dérivés. Ces effets sont dus essentiellement à des surdosages.• (Aspirine‚ Aspégic‚ Aspro)
Certains de ces médicaments sont en vente libre, il convient donc d’être particulièrement vigilant lors d’une auto-médication. Il faut vérifier la composition des diverses spécialités absorbées pour des indications différentes et/ou une efficacité supérieure en évitant d’associer différents produits ototoxiques.
Les spécialités de cancérologie/hématologie
Il s’agit de spécialités utilisées en milieu hospitalier. Certains médicaments, en particulier les dérivés du platine, ont été décrits comme ayant une toxicité sur l’oreille.
Le cisplatine est le produit antinéoplasique le plus ototoxique. La surdité est irréversible et s’accompagne d’acouphènes transitoires ou permanents. Pour les autres produits, des cas isolés d’acouphènes et de baisse d’audition ont été rapportés.
Médicaments concernés :Cisplatine et dérivés, le Méthotrexate.
Les diurétiques
Certains diurétiques (diurétiques de l’anse, furosémide, acide étacrinique, bumétanide) ont une ototoxicité dose-dépendante, habituellement réversible à l’arrêt du traitement, affectant en priorité les patients insuffisants rénaux : cette toxicité se manifeste pour une administration par voie intraveineuse dans l’insuffisance rénale aiguë ou lors d’un accès hypertensif. De rares cas d’ototoxicité ont été rapportés lors de prises par voie orale, à fortes doses et chez des personnes avec une insuffisance rénale chronique (Furosémide : Lasilix).
Les antibiotiques
Les Aminosides
Tous les aminoglycosides sont potentiellement ototoxiques. Cet effet ototoxique peut survenir après administration parentérale (intraveineuse ou intra-musculaire), orale, locale ou par aérosols.
Ils sont généralement responsables d’une surdité bilatérale, symétrique et définitive. Toutefois des surdités unilatérales ont été décrites avec l’amikacine et la kanamycine. Le risque ototoxique est d’autant plus grand que les traitements sont à fortes doses, par voie intraveineuse, et prolongés (dans les infections graves comme les septicémies). Dans ces cas, il est nécessaire de surveiller le taux sanguin d’aminosides. Les travaux récents de génétique ont mis en évidence le fait qu’il existe des bases héréditaires de vulnérabilité à cette classe particulière d’antibiotiques : les aminoglycosides peuvent induire des surdités chez des individus porteurs de mutations dans certains gènes. Avant toute prescription de ces médicaments, l’absence de troubles auditifs dans la famille doit être vérifiée. Au moindre doute, une analyse de l’ADN devrait être effectuée. Ce test diagnostique est très simple.
• Gentamicine : (Gentalline) injectable
• Tobramycine : (Tobrex, Tobradex) collyres
• Netilmycine : (Netromicine) injectable
• Néomycine : (Atébémyxine, Cébémyxine, Chibro cadron en collyres)
Les gouttes auriculaires
De nombreuses gouttes auriculaires peuvent contenir des aminosides (gentamycine, néomycine), des anti-inflammatoires ou des antiseptiques toxiques (chlorhexidine) pour l’oreille. Si ces produits parviennent à passer dans l’oreille interne, ils peuvent induire une surdité irréversible, accompagnée de vertiges. D’où leur contre-indication en cas de perforation du tympan. Les gouttes auriculaires ne devraient donc être employées qu’après vérification de l’état du tympan par un médecin (Panotile, Polydexa).
Les macrolides
Hypoacousie associée à des acouphènes, parfois à des vertiges, toxicité dose-dépendante.
Erythromycine:
Cet antibiotique est ototoxique quand il est administré par voie intraveineuse à de fortes doses (2 à 4 g/j, ou plus) particulièrement en cas d’insuffisance rénale. Aucun cas d’ototoxicité n’a été rapporté quand l’értyhromycine est prise par voie orale (en moyenne 1 g/j). L’erythromycine peut induire une perte d’audition bilatérale, dose-dépendante, habituellement réversible, fréquemment associée à des acouphènes (Erythrocine, Pédiazole voie orale)
• clarithromycine : (Naxy‚ Zeclar) voie orale
• azithromycine : (Zithromax) voie orale
Les tétracyclines
• doxycycline : (Vibramycine) voie orale
Les antipaludéens
La quinine, en prise chronique, et la chloroquine sont ototoxiques. Ils peuvent induire transitoirement des acouphènes (fréquents à faibles doses), des vertiges et/ou une perte auditive. Un traitement prolongé à hautes doses peut être responsable d’une surdité définitive.
D’autres médicaments peuvent être ototoxiques mais beaucoup plus rarement.
• Des acouphènes ont été décrits avec certains antiarythmiques : lidocaïne, propranolol, (Avlocardyl),metoprolol (Séloken).
• Parmi les antihypertenseurs l’énalabril (Rénitec) présente une toxicité cochléaire.
• Parmi les anticonvulsivants, la carbamazepine (Tégrétol) peut être responsable d’acouphènes, l’acide valproïque (Dépakine) peut causer des pertes d’audition.
• Acouphènes et surdités ont été rapportés avec des médicaments antiulcéreux (cimetidine, famotidine,omeprazole) ainsi qu’avec certains contraceptifs oraux, avec certains opiacés (morphine injectable).
• parmi les psychotropes, les antidépresseurs tricycliques peuvent induire des acouphènes, les IMAO et la fluoxetine (Prozac) peuvent donner des surdités.
• clomipramine (Anafranil) - Miansérine (Athymil)
Dans plusieurs cas, la persistance d’acouphènes après l’arrêt d’un traitement prolongé au diazepam (anxiolytique) ont été décrits (sevrage).
Certains anesthésiques loco-régionaux peuvent produire acouphènes et vertiges, il s’agit essentiellement de la Lidocaïne : Xylocaïne injectable
Cette liste de médicaments n’est pas exhaustive, faute d’études de grande envergure, tout n’est pas notifié, une perte auditive légère peut de surcroît passer inaperçue. Depuis 2003, date de notre dernière mise à jour, (Résonances n°11) nous constatons peu de précisions et d’informations nouvelles sur ces médicaments. La vigilance s’impose lorsqu’on a déjà une atteinte de l’audition (perte auditive, acouphènes, hyperacousie) ou des troubles de l’équilibre. Toutefois pour certains médicaments il ne s’agit que d’un effet passager, disparaissant à l’arrêt du traitement. Généralement ces effets surviennent lors d’une prise prolongée et/ou à fortes doses. Il est généralement admis qu’un médicament engendrant une perte auditive lors de prises chroniques est peu susceptible de provoquer cet effet lors d’une prise occasionnelle. En cas de nécessité absolue, lorsqu’il n’y a pas d’alternative thérapeutique, ces médicaments peuvent être prescrits à une dose adaptée à la fonction rénale et sous surveillance des fonctions auditives (audiogrammes) et vestibulaires.
Conseils de prévention :
Votre médecin est le garant de votre santé, il faut qu’il garde en tête votre surdité et/ou acouphènes, n’hésitez pas à le lui rappeler !
Pour tout nouveau médicament prescrit, demander les éventuels effets secondaires ototoxiques de ce produit.
Pour les médicaments en vente libre lire attentivement la notice ou demander au pharmacien si le produit peut être ototoxique, éviter les associations de médicaments.
Réagir aux premiers signes d’une ototoxicité ( Acouphènes, baisse de l'audition, vertiges)
Compléments à l'article du Bucodes :
Une étude plus récente
(Université de Harvard, Pr Gary Curhan, publication en 2016) met aussi en cause le paracétamol et confirme l'ototoxicité de l'ibuprofène lorsqu'ils sont utilisés longtemps et à de fortes doses, l'étude portait sur des personnes ayant utilisé régulièrement ces médicaments pendant plusieurs années
Produits chimiques ototoxiques : l'INRS (Institut national de Recherche et de Sécurité) a aussi publié en 2015 un document concernant l'ototoxicité de substances chimiques, notamment rencontrées sur les lieux de travail. Elle met en outre en garde sur le cumul entre produits ototoxiques et exposition au bruit qui pourraient aggraver les risques.
" Depuis plus de vingt ans, des recherches ont montré que certaines substances chimiques, appelées ototoxiques, peuvent provoquer une surdité, ou potentialiser les effets traumatisants du bruit. Or, il n’est pas rare qu’un individu soit exposé à plusieurs agents chimiques (médicaments, agents chimiques) et à du bruit. Si les aminosides et les anticancéreux sont des substances ototoxiques connues, d’autres, comme les solvants aromatiques, les métaux lourds, ou certains gaz asphyxiants peuvent se révéler tout aussi cochléotoxiques." http://www.inrs.fr/risques/bruit/agents-ototoxiques.html